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Argumentaire Approche ethnographique et didactique des savoirs. Une littéracie en langues et cultures africaines L'Afrique est l'un des continents les plus diversifiés sur le plan linguistique, avec des milliers de langues parlées, reflets des différentes cultures et traditions des peuples africains. Pourtant, les langues locales et les savoirs endogènes sont marginalisés dans les systèmes éducatifs, entraînant une perte de la diversité culturelle et linguistique. Dans de nombreux pays africains, en effet, la langue de scolarisation est une langue officielle héritée de la colonisation, le français en Afrique francophone, l’anglais en Afrique anglophone, et les contenus d’enseignement, largement copiés des curricula étrangers, sont le résultat d’une sélection et d’un traitement propres à un contexte bien loin des réalités africaines. Beaucoup de travaux mettent en lumière la nécessité de repenser l’école africaine (Miki Kasongo, 2013 ; Akkari, 2020 ; UNESCO, 2021). On propose souvent le passage de l’école monolingue héritée de la colonisation à une école bi-plurilingue consistant en une traduction / adaptation vers les langues africaines de contenus déjà didactisés en langue étrangère. Si un enseignement bi-plurilingue est certainement la voie de l’avenir, nous pensons cependant qu’il est grand temps d’expérimenter des approches ethnographiques et anthropologiques permettant de collecter des savoirs africains et de les adapter à la situation d’apprentissage. Quel serait l’apport d’une approche ethnographique des savoirs ? L'ethnographie est une méthode de recherche qualitative qui vise à comprendre les comportements, les pratiques et les significations culturelles des groupes humains. Elle s'appuie sur l'observation participante et les entretiens. Dans le domaine de l’éducation, elle permet d'explorer les processus par lesquels les savoirs et les compétences sont transmis au sein des communautés. Il s’agit d’observer les interactions en classe, les pratiques informelles d'apprentissage, et la façon dont la culture d'un groupe influe sur le processus éducatif pour mieux comprendre les contextes sociaux, culturels et historiques de l'apprentissage, ainsi que la manière dont les apprenants donnent sens aux savoirs qui leur sont enseignés. Combiner l'ethnographie et la didactique permet, d’une part, de promouvoir une éducation qui valorise tout type de savoir, d’autre part, de mettre en place des curricula adaptés et de développer des pratiques pédagogiques qui tiennent compte des réalités culturelles et sociales des apprenants, en favorisant un apprentissage significatif et contextualisé. Plusieurs questions s’imposent alors, et notamment celle des savoirs à didactiser. Les intervenants pourront consulter avec profit les travaux de Henry Tourneux (2011), qui a proposé une méthode de quête ethnographique à buts pédagogiques en fulfuldé auprès des populations du Nord-Cameroun. L’approche ethnographique permettra également la conservation de connaissances culturelles, linguistiques et anthropologiques à destination des générations futures Mettre les savoirs en question ne réfute pas l’hypothèse pertinente des connaissances universelles. On peut distinguer les savoirs empiriques basés sur l'expérience et l'observation, les savoirs dits théoriques issus de la recherche et des études académiques et les savoirs pratiques liés à des compétences spécifiques et à l'application de ces savoirs dans des contextes concrets. Le savoir universel regroupe des connaissances telles que la logique, les mathématiques ou des lois de la nature, valables indépendamment des contextes culturels. Par exemple, les lois de la physique s'appliquent de manière identique, qu'elles soient étudiées en Europe, en Asie ou ailleurs. Il faut cependant reconnaître que le savoir est souvent influencé par le contexte culturel, historique et social dans lequel il est produit. Les connaissances traditionnelles, les croyances et les pratiques varient considérablement d'une culture à l'autre, entraînant des perspectives différentes sur des sujets similaires. Les savoirs dits endogènes, qui émergent des contextes locaux, sont souvent méconnus ou dévalorisés par rapport aux savoirs universels. Pourtant, certaines pratiques médicinales traditionnelles ou certaines connaissances agricoles locales constituent des savoirs précieux et potentiellement universels. La didactisation des savoirs, autrement dit, la sélection, le traitement et la présentation des contenus d’enseignement / apprentissage, ne doit pas occulter une étape déterminante, celle du contexte linguistique et culturel, crucial dans le processus d’apprentissage. C’est souvent grâce à lui que l’élève appréhende les contenus, les identifie, les décode, les comprend, les maîtrise pour enfin les transformer en d’autres formes de connaissance. Les concepteurs des curricula pour l’enseignement bi-plurilingue en Afrique tiennent-ils compte de ces dispositions psychopédagogiques ? Une approche ethnographique et didactique des savoirs ne serait-elle pas la réponse à la question de la contextualisation qui, d’une part, met en valeur les savoirs locaux tout en explorant les points de convergence globaux, d’autre part, facilite le processus d’acquisition des contenus ? Le moment est peut-être venu de développer une authentique littéracie en langues et cultures africaines afin de développer une véritable compétence bi-plurilingue permettant de produire, de comprendre et d’interpréter des contenus en contexte multilingue. La littéracie renvoie à la capacité de lire, écrire et comprendre des textes dans une langue donnée. Dans un cadre plus large, c’est une aptitude à interpréter les signes, linguistiques ou non, et à produire du sens selon des supports et des modalités propres à un environnement culturel donné. Le concept inclut donc la compréhension des pratiques culturelles, des valeurs et des contextes sociaux liés à la langue. Développer une littéracie en langues et cultures africaines permet aux individus de se connecter à leur patrimoine, et pourrait inciter leurs gouvernements à mettre en place des systèmes éducatifs adaptés aux réalités locales, notamment celle de la diversité linguistique. Une question se pose alors : comment la langue officielle, jusqu’ici langue unique de la scolarisation, peut-elle cohabiter avec les langues africaines en milieu scolaire ? Une étude récente au Sénégal révèle qu’il y a un fort attachement de chacun à sa langue, mais qu’il s’est aussi développé un important bilinguisme français / wolof, le premier pour les besoins professionnels, le second pour la communication quotidienne. Ce schéma bilingue se retrouve dans la plupart des pays. Dans d’autres, comme en Côte d’Ivoire ou au Cameroun, aucune langue africaine n’a réussi à s’imposer, et la plupart des conversations se font en français (ou en anglais au Cameroun, pays bilingue). Ce constat semble indiquer qu’une politique scolaire viable serait effectivement le bi-plurilinguisme. C’est une idée ancienne qui remonte à Jean Dard, qui prônait déjà au début du XIXe siècle un enseignement bilingue français-wolof à Saint-Louis du Sénégal. Elle a pris une certaine réalité grâce au projet ELAN de l’OIF qui a démarré avec huit pays, et plus récemment, au Sénégal, avec le MOHEBS (Modèle Harmonisé d’Enseignement Bilingue au Sénégal). Plus récemment encore, le 12 avril 2025, avec l’appui de l’UNESCO et du ministère de l’Éducation nationale, l’Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN), en collaboration avec l’École supérieure polytechnique (ESP) a lancé le SENTERMINO. Il s’agit d’une initiative nationale visant la création d’une Banque de données terminologiques et de traductique (BDT-TLT) au Sénégal en langues pulaar, sérère et wolof. Cet ambitieux projet a pour objectif de recueillir, structurer et harmoniser les données terminologiques afin de faciliter la production de contenus scientifiques, pédagogiques et professionnels en langues nationales. Toutes ces initiatives visent une amélioration générale de l’apprentissage et une certaine pérennité des langues. Cependant les langues africaines sont-elles prêtes pour la médiation pédagogique ? Des problèmes subsistent dont on peut citer la variation dialectale, la standardisation, les lexiques spécialisés… La terminologie représente également un obstacle sérieux. Une étude récente chez les mécaniciens de Casamance (Sow & Frath, 2022) a montré que le wolof a emprunté son vocabulaire technique au français, et que les autres langues ont à leur tour repris ces néologismes franco-wolofs. Ceux-ci sont apparus il y a quelques décennies en raison de nécessités professionnelles, et il est peu probable que la plupart des locuteurs aient encore conscience qu’il s’agit là d’emprunts. Il en va de même chez les Francophones pour des mots comme café, sucre ou orange, qui sont intégrés à la langue française depuis des siècles, alors qu’ils sont en fait des emprunts à l’arabe et à d’autres langues (persan, sanscrit). On peut alors se demander si une introduction massive de terminologies scientifiques à l’école pourrait s’intégrer aux langues africaines au point d’y disparaître. Ce colloque ouvre une fois de plus le débat sur la nécessité de repenser l’école en Afrique. Il oriente la réflexion sur la prise en compte des déterminants sociologiques, autant du point de vue des approches pédagogiques qu’en ce qui concerne les contenus d’enseignement / apprentissage et leur didactisation. Quelques référencesAbdeljalil Akkari, « Dix propositions pour repenser l’éducation du 21e siècle en Afrique », Eduform Afrique Magazine, Edition juin 2020. Chatry-Komarek, M. (Eds), 2010, Professionnaliser les enseignants de classes multilingues en Afrique. Paris : L'Harmattan. De Oliveira, L. C., & Westerlund, R. (2023). Scaffolding for multilingual learners in elementary and secondary schools. New-York : Routledge. Frath Pierre & Sow Ndiémé, 2022 : « La question de la terminologie dans l’enseignement des langues africaines », in Zouogbo Jean-Philippe (dir.), Linguistique pour le développement. Concepts, contextes et empiries, Paris : Éditions des archives contemporaines, p. 97-113. Maurer, Bruno, 2010, Les langues de scolarisation en Afrique francophone. Enjeux et repères pour l’action. Rapport général. Paris : AUF/ Éditions des archives contemporaines. Maurer Bruno, 2019, « Quel modèle didactique de référence pour l’enseignement des langues africaines en Afrique francophone ? », in Méthodes et pratiques d’enseignement des langues africaines : Identification, analyses et perspectives, éd. Julia Ndibnu Messina Ethe & Pierre Frath, Observatoire Européen du Plurilinguisme Messaoudi Leila, 2010, « Langue spécialisée et technolecte : quelles relations ? », Meta 55/1, p. 127-135. Messaoudi Leila, 2023, « Les technolectes : quelle transmission en contexte plurilingue ? Le cas du Maroc ». Présentation au Congrès POCLANDE, FLSH – Dhar Mahraz, Fès, le 23 novembre 2023. Miki Kasongo JM. (2013). Repenser l’école en Afrique. Entre tradition et modernité. L’Harmattan. Ouane, A., & Glanz, C., 2011, Optimising Learning, Education and Publishing in Africa: The Language Factor. Hamburg: UNESCO Institute for Lifelong Learning. Sagayar & alii (Eds), 2022. Repenser l’éducation et la pédagogie dans une perspective africaine. Globethics. Sow Ndiémé & Frath Pierre, 2025 (à paraître), « Quelle terminologie pour les technolectes en Afrique ? », Actes du 1er Colloque international de l’Observatoire du Plurilinguisme en Afrique, Dschang, décembre 2023. Éditions POPA : Saint-Louis. Tourneux Henry, avec la collaboration de Abdoulaye Boubakary et Konaï Hadidja, 2011, La transmission des savoirs en Afrique. Savoirs locaux et langues locales pour l’enseignement, Paris, Karthala, Coll. Dictionnaires et langues, 304 p. Repenser l’éducation. Alternatives pédagogiques du sud. UNESCO, 2021. Axes thématiques Ethnographie et alternatives pédagogiques
Contextualisation, littéracie et production de ressources didactiques
Contextualisation, éducation plurilingue et circulation des savoirs
Politiques linguistiques et éducatives
Formation des maîtres
Modalités de participation Modalité de communicationLes communications pourront s’adosser à des recherches fondamentales / d’intervention, à des cas pratiques, à des retours d’expérience. Les contributeurs s’intéresseront aux axes prioritaires du colloque sans toutefois s’y limiter, dans la mesure de la capacité de leur projet de communication ou d’atelier à éclairer les situations africaines dans les domaines concernés ou à en soutenir la dynamique. Les propositions s’inséreront dans l’un des axes du Colloque et pourront prendre différentes formes :
Les langues de communication du colloque sont le français et l’anglais. Modalité de soumissionLes propositions sont individuelles ou collectives. Les communications pourront être proposées par des chercheurs, doctorants, post-doctorants, acteurs associatifs et professionnels impliqués dans la thématique du colloque, acteurs institutionnels des politiques linguistiques. Les propositions pluridisciplinaires ou impliquant à la fois des chercheurs et des acteurs de terrain, institutionnels et/ou de la société civile seront bienvenues. Les propositions devront être soumises avant le 16 février 2026 à 23h59.
Un fichier PDF doit accompagner chaque proposition (envoyée par email ou déposée en ligne). Il contiendra :
Calendrier Lancement de l’appel : 1er décembre 2025 Date limite de soumission des propositions : 16 février 2026 Notification aux auteurs : 15 avril 2026 Ouverture des inscriptions : 04 mai 2026 Fermeture des inscriptions : Anticipée : 03 juillet 2026 ; tardive : 04 septembre 2026 Dates du colloque : du 04 au 06 novembre 2026
A l’issue du colloque, une sélection d’articles donnera lieu à la publication d’un ouvrage aux Presses de l’observatoire du plurilinguisme en Afrique (POPA). À cette phase, des résumés trilingues français - langue africaine - anglais seront requis. Informations pratiques
Inscription tardive : 50.000 FCFA (80 euros)
Inscription tardive : 25.000 FCFA (40 euros)
Retrouvez toutes les informations pratiques sur le site du colloque.Pour toutes questions, veuillez nous écrire à : colloqueopa2026@ugb.edu.sn Appel à communication Comité d'organisation
Comité scientifique
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